lundi 12 mai 2008

Contraintes

Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurai aujourd'hui sauté le pas.
A force de lire les aventures des autres, j'ai franchement envie de m'y mettre aussi. Et je pense avoir réussi à relativiser l'aspect "risque".
Mais il y a les contraintes. Les deux premières, qui peuvent se gérer, et la troisième, incontournable.

Les deux premières contraintes sont le temps, et l'argent. Apprendre à voler, ça demande du temps, et un budget conséquent. Quand on a le budget, il faut trouver le temps. Quand on a le temps, il faut souvent trouver le budget.
Le PPL peut se passer en plusieurs mois, voir en plusieurs années. Si on peut, je pense que l'idéal est de prendre et de garder un bon rythme d'apprentissage, régulier. Si on est juste sur le budget, on peut étaler dans le temps l'apprentissage et donc, la dépense. Mais il est certain qu'il doit être plus agréable d'avoir les coudées franches. Parce qu'entre le Droit d'Entrée dans un club, la cotisation annuelle, la carte FFA, le manuel, les bricoles en tout genre qui sont loin d'être données..., ça fait déjà une bonne mise de départ ! Puis, avec les heures de vol et les surplus pour instruction, ça chiffre vite.
Dans un budget familial, ça peut devenir pas très évident.

La troisième contrainte... c'est une autre paire de manches !
Je suis une femme, je veux des enfants, il est interdit de voler lorsqu'on se sait enceinte.
En gros, ça résume tout.

J'ai 36 ans. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurai déjà 4 enfants. Mais je ne maîtrise pas cette partie. J'ai la chance d'avoir une petite fille de 4 ans, que j'ai mis 5 ans à avoir. Je me bats pour un second enfant et l'avenir est incertain.
Pour tout dire, je fais de l'endometriose. En soit, ce n'est pas quelque chose de grave. Mais c'est une source de stérilité et la médecine connaît très mal ce problème, pourtant courant chez beaucoup de femmes (dont beaucoup également ne se savent pas touchées). Par manque d'études sur le sujet, c'est une maladie qui reste floue. Elle ne tue pas, elle emmerde seulement. Il semblerait qu'elle ne soit donc pas digne d'intérêt.
Comment la traiter ? C'est là que ça devient presque "drôle"... Si on est enceinte, ça stop l'évolution. Sauf que ... pour être enceinte, il vaut mieux ne pas avoir cette maladie... M'suivez ?
La ménopause aussi, stoppe l'évolution... (si si... toujours aussi pratique...). Alors on ménopause artificiellement (merci les effets secondaires...), on ouvre, on nettoie, on referme, on espère...
Quand on a cessé d'espérer, on envisage la dernière chance : l'insémination et/ou la FIV.

Parfois, miracle ! A la seule vue de l'épais dossier à remplir pour la FIV, le système daigne enfin fonctionner, et on tombe enceinte naturellement juste avant d'engager la procédure.
"Naturellement" !!! Et pourquoi ça ne marche pas en temps normal ?!! C'est le genre de question qui me rend dingue !
Toujours est-il que ça marche quand ça veut, et après ça veut plus !

Quand vais-je tomber à nouveau enceinte ? "Un jour", me certifie ma gynéco. "Ça va forcément marcher". Mais quand ? Mystère. Ça peut-être demain, ça peut-être dans 1 an, 2 ans, ... je n'en sais rien. La question est plutôt : combien de temps je me donne encore ?
Si je connaissais le délais, je pourrais m'organiser. Tous mes projets sont en stand-by. J'attends.

Si je commence à apprendre à piloter, je vais, tôt ou tard (j'espère plus "tôt" que "tard"), devoir faire un arrêt d'au minimum 10 mois. Je me vois mal me lancer dans le pilotage sitôt après avoir accouché. Et comme je ne sais pas à partir de "quand" ça commence, j'en ai pour ... aller, au moins 1 an dans la vue, qui se décale au fur et à mesure que le temps avance.

Alors je fais quoi, en attendant ?
Je tâte le terrain auprès de mon homme, pour voir si, plus tard, l'idée de sauter le pas ne lui parait pas complètement folle. Je me renseigne sur l'apprentissage, la limite d'age... Ah ? Pas de limite d'age pour apprendre ? Ouf ! Au moins ça de gagné !

dimanche 4 mai 2008

Naissance d'un rêve

Quand j'étais petite, je rêvais d'aller dans les étoiles, découvrir des espaces infinis.
Je me rappelle avoir demandé à un prof au collège quelles études il fallait faire pour devenir Spationaute. Le prof, prit au dépourvu, m'avait répondu "Euh... faut être très fort en maths". Seulement, dans les études, il ne suffit pas d'être fort dans une matière, aussi côté soit-elle. Il faut être bon dans "pleins" de matières. Et le Français était une des matières suffisamment pénalisante pour me mettre des bâtons dans les roues : j'étais une bille en orthographe...

Et puis, il y a eu l'argument tueur : "De toute façon, tu ne pourras jamais aller dans l'espace parce que tu portes des lunettes".
Mon rêve se brisait !


Adolescente, j'ai un jour trouvé dans la bibliothèque d'un oncle un livre intitulé "Flight Simulator". On pouvait apprendre à faire voler un avion sur un ordinateur ?! J'ai dévoré le bouquin. Je n'avais pas d'ordinateur, mais rien qu'en lisant ce livre, j'imaginai... je rêvais.

Quand je me suis payé mon premier ordinateur avec mon premier salaire (à crédit... m'avait coûté une fortune !), j'ai investi dans un joystick et Fligh Simulator version 5. Le pied !!!

A une époque, j'avais des insomnies. Je faisais décoller le jet, et j'enclenchais l'autopilot pour une lointaine destination. Et le bruit du moteur m'aidait à me rendormir en rêvant à la prochaine escale.


Et piloter "en vrai" ?

Ça m'aurait bien dit. Mais comme ça ne me paraissait pas accessible, je n'avais pas creusé le sujet. Un ami avait son brevet et j'aurai bien aimé en savoir plus. Mais un soir, lors d'une réunion d'association de photographes de faune sauvage, notre président nous a annoncé, très ému, qu'Eric V. nous avait quitté dans le ciel de Normandie.
Je n'ai pas compris tout de suite. Je connaissais un Eric, mais pas son nom de famille. S'agissait-il du même ? Le sympathique gars qui venait régulièrement avec une très charmante jeune femme, et avec qui j'avais passé quelques jours dans le Cantal à tester l'accueil d'un Parisien qui voulait monter des "safaris photos" pour amortir sa maison de campagne ?

Oui, c'était bien le même ! Et après l'incrédulité venait le choc. Que c'était-il passé ?

Maurice, notre président, avait du mal à me donner des détails. Il n'en connaissait pas beaucoup, mais il était visiblement aussi sous le choc et avait du mal à s'exprimer. Tout ce que j'ai su, c'est qu'il s'agissait d'un baptême de l'air en Fougas Magister et que l'appareil s'était planté.

J'ai cherché, fouillé l'Internet et la presse pour avoir des détails. Ouest France, qui avait publié un article sur le sujet, a gentiment accepté de m'en envoyer la copie, y joignant même tout ce qu'ils avaient publié sur le sujet.
Un accident. Deux avions, deux Fougas avec des pilotes expérimentés aux commandes, partis faire un baptême et une démonstration de vol pour un journaliste.
Que c'est-il passé réellement ? On ne le saura jamais. Les deux avions évoluaient l'un autour de l'autre. Ils se sont rapprochés en figure inversée, verrières faces à faces, et les empennages se sont touchés. Le premier, l'aileron endommagé, est parti en vrille et s'est crashé. Le second a suivi juste après... Bilan : 4 morts !

Isabelle, la compagne d'Eric, est revenue courageusement à notre réunion suivante d'association. Maurice l'avait encouragée. Mais malgré ses efforts pour paraître souriante, on voyait que le coeur n'y était pas. Elle avait un regard terrible. Toute sa détresse s'y trouvait. Comment trouver les mots pour l'aider ? J'avais tellement mal pour elle. Celui qui s'en va... s'en va. La douleur et la peine sont pour ceux qui restent.

Je me suis promis que jamais, jamais je n'imposerais une telle situation à mes proches.
Je n'avais plus envie de voler. Je ne voulais pas prendre ce risque terrible de partir trop tôt.

Mon simulateur est passé aux oubliettes. Parcourir la Terre en ayant les pieds dessus, c'était finalement très bien aussi.

Mais j'avais toujours cet espèce de pincement au coeur lorsque je décollais en avion. Une sensation très bizarre de joie qui me prenait aux tripes. Voir la terre défiler en dessous, les nuages par dessus, et toutes ces couleurs magnifiques. Là-haut, il fait toujours beau.

10 ans plus tard, je pense toujours à Eric et Isabelle. Je suis maman d'une petite fille de trois ans, et quand je décolle pour aller quelque part, je croise les doigts pour être de retour entière, pour elle. Si cela ne tenait qu'à moi, je serais déjà maman plusieurs fois. Mais Dame Nature est parfois capricieuse.
Un jour de printemps, cherchant de la lecture chez un marchand de journaux, mon regard croise la revue Micro Simulateur. J'étais abonnée dans les premiers numéros. Souvenirs... J'achète le numéro. Et le virus me reprend.
La version 9 de Flight Simulator ne coûte vraiment pas cher, et elle contient plusieurs avions. De quoi s'amuser un moment. Et puis un bon joystick USB adapté s'avère très abordable. Le mien n'était plus compatible avec les machines d'aujourd'hui.

De fil en aiguille, je me réabonne, trouve une foule de compléments sur Internet, et découvre un aspect complètement ludique : je vole avec ma fille sur les genoux. Elle a droit à des vols touristiques en première classe avec moultes commentaires. Nous survolons Paris, les lieux de vacances, la Réunion avec ses cirques et son volcan (en activité !!!), la cordillère des Andes..., on se pose même au pied des pyramides ! Elle prend le manche pour manoeuvrer le Piper Cub (celui qui se remet droit lorsqu'on lâche le manche...). On va partout et tout est prétexte à découvertes. Je n'ose pas imaginer ce qu'elle raconte à l'école... !

Et puis, sur des forums, on me conseille la lecture des aventures d'un Pilote du Grand Nord. Livre que je dévore. Au détour d'un échange, un forumeur me glisse : "t'es mûre pour la Pilotlist !". Et il me conseille les livres de Jacques Darolles, Commandant de Bord chez Air France. Pilotlist ?! Kesaco ?! Je cherche sur Google, et je trouve.
C'est une découverte ! Une mailing liste d'échange entre pilotes de tous les âges, de tous les millieux volants ! Mais la vrai découverte, c'est la passion qui transpire à travers leurs récits.
Ça donne envie.

Dans les échanges, je remarque une jeune hôtesse de l'air qui écrit particulièrement bien. Un de ses messages retient mon attention et je ne peux pas m'empêcher d'y répondre. Et, alors que je jouais les zieuteuses depuis quelques semaines, me voilà obligée de me dévoiler, de me présenter. Dûr dûr parce que moi, je ne vole pas. Enfin... pas "en vrai". Et du coup, j'ai un peu l'impression de manquer de légitimité sur cette liste.
Pourtant, à ma grande surprise, je suis très bien accueillie. J'explique les raisons qui m'ont poussée à garder les pieds sur terre, et je suis contactée en privé par un des pilotes. Il était présent lors du crash d'Eric. Il me donne le lien vers le blog où il a raconté cette terrible journée. Le retour en arrière est un vrai choc. Isabelle qui apprend la nouvelle en même temps que lui... la description de son expression lorsqu'elle "comprend"... c'est terrible... !
En même temps, ce pilote a perdu deux très bons amis, les pilotes des deux avions. Je connaissais à peine Eric. Ce souvenir doit le hanter bien plus que moi. Mais il ne semble pas avoir arrêté de voler.

Il me transmet le rapport du BEA (Bureau des Enquêtes Aéronautiques). Ce que je comprends, c'est que les circonstances de l'accident étaient tout de même exceptionnelles. Et maintenant que j'ai l'adresse, je cherche d'autres rapports d'accidents. J'en étudie plusieurs et je découvre que très souvent, les accidents sont dus à de petites erreurs ou oublis qui auraient largement pu être évités. Des négligences, une mauvaise habitude qui s'installe et qui prend le pas sur le "rituel sécurité". Un capuchon mal serré, un niveau d'essence non contrôlé en s'imaginant que c'est forcément l'indicateur de la jauge qui est en panne, un décollage par une météo à ne pas mettre un canard dehors...
Et à chaque fois : et si... et si... et si...
Beaucoup de conneries. Et en même temps, pas tant d'accidents que çà.

J'apprends à relativiser, à apprivoiser mes peurs.